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dam-l LS: Le Monde- AR Leads Indian Ecologists' Struggle



Le Monde, Paris, 31 July 1999

La romancière Arundhati Roy à la tête du combat des écologistes indiens

NEW DELHI de notre correspondante en Asie du Sud

Mis à jour le samedi 31 juillet 1999

« Argumenter à propos des grands barrages est comme argumenter à propos de 
la religion. Il y a un tel mythe en Inde à ce sujet que personne ne veut 
vous écouter. » Après un brillant plaidoyer moral contre l'arme nucléaire 
testée par son pays en 1998, la romancière Arundhati Roy, Booker Prize 1998 
pour son livre Le Dieu des petits riens (Gallimard), est la figure de proue 
de la nouvelle manifestation organisée par l'association Sauvez le mouvement 
du Narmada.

Pendant quatre jours, trois cents personnalités venues d'Inde ou de 
l'étranger vont parcourir la vallée du Narmada pour apporter leur soutien 
aux centaines de milliers de personnes concernées par les gigantesques 
travaux de développement - trente grands barrages, cent trente-cinq moyens 
et trois mille petits - entrepris sur ce fleuve de 1 312 kilomètres qui 
court du Madhya Pradesh au Gujarat.

Arundhati Roy explique, dans un nouveau petit livre très bien documenté, que 
« la bataille du Narmada est symbolique des mécanismes du pouvoir et des 
inégalités ».

Sans crainte de soulever un sujet éminemment sensible en Inde, elle affirme 
: « Au coeur de la bataille du Narmada, il y a le système des castes et 
personne ne veut le savoir.  » Selon des chiffres de la Commission du plan, 
quarante millions de personnes ont été déplacées en Inde, depuis 
l'indépendance, par la construction de barrages. Sur ce chiffre, 60 % sont 
des tribaux ou des intouchables, qui ne constituent respectivement que 8 % 
et 15 % du milliard d'Indiens.

« Depuis cinquante ans, l'Inde n'a pas de politique de réhabilitation, 
souligne Arundhati Roy. Que les défenseurs des barrages admettent au moins 
que depuis lors des millions de gens ont été déracinés sans autre 
alternative. Mais il faut déjà tant d'énergie dans ce pays pour ignorer les 
problèmes que les gens ne veulent pas qu'on leur mette le nez dessus.  » « 
Un écrivain ne peut pas fermer les yeux », ajoute-t-elle.

Depuis plus de trente ans, le projet d'aménagement de la vallée du Narmada 
fait périodiquement l'objet de décisions judiciaires, ses partisans et ses 
adversaires tentant de faire valoir leurs arguments devant la justice. Les 
premiers barrages déjà construits tendent à donner raison aux opposants, qui 
ont beau jeu de souligner que les coûts humains et financiers ont largement 
dépassé toutes les estimations. « Ce projet n'est pas dans l'intérêt 
national et nous demandons donc que des personnalités indépendantes le 
réétudient complètement », explique Himanshu Thakker, membre de 
l'Association de défense du Narmada. Déjà le Japon puis la Banque mondiale, 
en 1993, ont retiré les prêts accordés, estimant notamment que les 
conséquences sur l'environnement n'avaient pas été suffisamment étudiées.

Les opposants au projet estiment que sa poursuite est voulue par des lobbys 
financiers, tout autant que par les gouvernements successifs du Gujarat qui, 
depuis trente ans, en ont fait un argument électoral. « Aussi longtemps que 
la lutte continue, nous avons l'espoir d'être entendus », affirme M. 
Thakker. La présence d'Arundhati Roy dans cette bataille a relancé le débat. 
L'écrivain n'a nulle intention d'abandonner une cause qu'elle juge 
fondamentale pour le développement d'une démocratie réelle.

                       Françoise Chipaux


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